L'humanitude

Récemment, plusieurs d’entre nous ont participé à une journée de sensibilisation à la philosophie de soins de l’Humanitude et à la méthodologie de soins Gineste-Marescotti, en partenariat avec la Centrale d’Achats de l’Hospitalisation Privée et Publique -CAHPP- à PARIS. Cette formation nous a permis d’avoir un regard différent sur la prise en charge des personnes âgées atteintes de syndrome démentiel au sein d’un établissement de long séjour et de nous confronter aux difficultés rencontrées quotidiennement par les soignants.

Selon Jérôme PELLISSIER, chercheur en gérontologie, le concept d’Humanitude pourrait se traduire comme l’ensemble des particularités qui permettent à un homme de se reconnaître dans son espèce. Lorsqu’un enfant arrive au monde, il n’est pas encore en humanitude et les personnes qui l’entourent vont l’y faire rentrer en se basant sur des piliers fondamentaux : le regard, la parole et le toucher. Sans un minimum d’interactions sociales, sans cette mise en humanitude, l’enfant présente une déficience intellectuelle et motrice importante (syndrome de Spitz ou syndrome d’hospitalisme).

L’Humanitude, une philosophie de soins particulièrement adaptée au «prendre soin» des personnes atteintes de syndromes démentiels. Pourquoi ? De quelle manière ? A noter toutefois qu’elle peut s’appliquer également aux personnes valides.

55 à 75 % des personnes présentant un syndrome démentiel résident au sein d’un établissement hospitalier d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Les membres de l’équipe soignante sont souvent confrontés à des comportements d’agitation pathologique de la part de certains résidents. Cela peut se traduire par des cris, des hurlements, des insultes, des coups, des griffures, des morsures…. survenant principalement pendant les actes de soins. En effet, les personnes démentes présentent une diminution de la compréhension de la situation de soin. Par conséquent, les touchers, les paroles, les regards de soin, faute d’être compris, vont être ressentis comme des touchers, des paroles, des regards hostiles ou agressifs. La philosophie de l’humanitude tend à professionnaliser le regard, la parole et le toucher.

Professionnaliser le regard… Il faut tout d’abord savoir que plus de la moitié des personnes atteintes de syndrome démentiel présente une altération du traitement de la vision des côtés et ont donc une vision «en tunnel». En sachant cela, il conviendrait donc de modifier notre approche, pour arriver de face, par le pied de lit et non du côté des barrières de lit, par l’avant du fauteuil et non en reculant le fauteuil sans avoir au préalable capté le regard de la personne, à se rapprocher, à se mettre à son niveau et nous obliger à prolonger les regards… Naturellement, comment regardons-nous  les personnes les plus souffrantes, démentes agressives, qui hurlent, qui semblent ne plus être là…? Nous constatons tous les jours l’absence de regard «d’humanitude» face à ces personnes. Alors, ceux qui ont le plus besoin de nos regards sont les moins regardés…

Professionnaliser la parole… Lorsque l’on parle, pour poursuivre une communication, il est naturel d’attendre une réponse, c’est le «feed-back». Si le patient est incapable d’émettre une réponse ou si elle est incohérente, la communication verbale du soignant s’arrête et le silence s’installe. Chez les personnes démentes, le silence du soignant peut être ressenti comme une forme d’agressivité voire de l’hostilité. Il conviendrait alors de recourir à la description de tous les gestes réalisés, la personne sera de ce fait moins surprise.

Professionnaliser le toucher… Des saisies par le poignet, en «pince» ou en «griffe» vont être ressenties comme une agression par les personnes démentes. Par exemple, la personne démente qui ne reconnait pas le soignant, qui ne sait pas qu’il est là pour le laver ou l’habiller, va le percevoir comme un agresseur au moment où il va lui soulever le bras en le saisissant en pince ou au moment de la réalisation de la toilette de certaines parties du corps. En effet, il conviendrait de privilégier les prises «en berceau», d’avoir un toucher tendre, vaste, lent et permanent en gardant toujours un contact lors du soin, mais aussi de respecter le schéma corporel sensitif (zones les moins sensibles à celles plus sensibles) et la tolérance de la personne (moins douloureuses à celles plus douloureuses).

Cette mise en relation, ces «préliminaires au soin», cette approche différente de regarder, de parler et puis ensuite de toucher la personne démente, pourraient permettre de diminuer les comportements d’agitation pathologique auxquelles elle est parfois sujette. L’accompagnement de ces personnes pourrait peut-être se faire avec plus de sérénité. Cet apprentissage paraît simple mais il prend du temps ; le temps, les équipes soignantes, n’en ont peut-être pas suffisamment….

Service Technique –  HACAVIE

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4 réponses

  1. MAGINOT Bruno dit :

    Bonjour à tous
    Je viens de terminer ce fabuleux livre intitulé l’HUMANITUDE, il devrait être lu par tous et plus particulièrement dans les écoles de formations aides soignants et infirmières car il est vraiment la base du prendre soin. Je suis moi-même formateur en ergomotricité en milieu hospitalier avec comme principe de base la « bientraitance » et je retrouve dans ce livre beaucoup de principe enseignés au cours de mes formations.
    Si vous visitez mon site perso vous pourrez avoir une approche globale de mon état d’esprit vis à vis des personnes soignées.
    Continuez à prendre soin c’est la meilleure chose que l’on peut proposer en institution.
    Bruno

  2. ergodidacte dit :

    Bravo pour votre ouvrage. En vous appuyant sur l’ergomotricité qui a depuis plus de 30 ans ses références vous ne pouvait que répondre au problème de nos concitoyens. Pas assez d’hommes et de femmes s’inscrivent dans cette démarche. Bon courage

  3. biessy dit :

    C’est vrai ergodidacte c’est un excellent ouvrage surtout très humaniste. En effet cela me rappelle le très bon travail que réalise Michel GENDRIER le concepteur de l’Ergomotricité depuis près de 50 ans. « Faire une approche globale du patient »

  4. ramos dit :

    j’ai pu lire Biessy que vous faite allusion aux travaux de Gendrier. En effet l’ergomotricité est bien là pour nous dire qu’il faut supprimé tous gestes inutiles perturbateurs d’énergie. Faire des gestes des mouvements à condition qu’ils soient justes, efficaces et sécurisés.

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